À Bruxelles, la transition vers le tout-numérique pour les inscriptions scolaires met en lumière une fracture numérique préoccupante. Initialement introduite pour simplifier les démarches administratives, cette numérisation accentue des inégalités déjà existantes, notamment dans les communes les plus touchées. Depuis le 9 janvier 2025, cette procédure a été étendue à Anderlecht, rejoignant ainsi Forest, Ganshoren, Jette, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles et Uccle. La problématique risque de s’étendre à d’autres communes si des mesures correctives ne sont pas rapidement mises en place.
Une fracture numérique exacerbée dans les communes bruxelloises
La fracture numérique ne se limite pas aux seules questions économiques. Elle se manifeste à travers trois dimensions. Le premier niveau concerne l’accès au matériel : ordinateur, smartphone ou connexion Internet stable. À Bruxelles, selon une enquête de Statbel en 2023, 12 % des ménages à faibles revenus ne disposent pas d’un ordinateur et 18 % n’ont pas accès à une connexion Internet de qualité. Ces chiffres sont encore plus élevés dans les quartiers populaires des communes concernées.
Le deuxième niveau concerne les compétences numériques. À Bruxelles, 37 % des parents déclarent ne pas maîtriser les outils numériques nécessaires pour finaliser l’inscription de leurs enfants. Une étude récente menée par CABAN (Collectif d’Action pour une Belgique Accessible au Numérique) a révélé que près de 25 % des parents vivant dans ces communes ont dû demander de l’aide extérieure pour naviguer sur les plateformes d’inscription en 2024.
Enfin, le troisième niveau concerne l’utilisation effective. Malgré l’accès au matériel et une connexion Internet, les interfaces complexes et non adaptées aux réalités linguistiques et culturelles des familles bruxelloises constituent une barrière supplémentaire. Ces difficultés sont particulièrement criantes à Anderlecht et Molenbeek-Saint-Jean, où une proportion significative des habitants parle une autre langue que le français ou le néerlandais à la maison.
Une fracture limitée à la pauvreté dans les médias et le politique
Dans les médias et les discours publics, la fracture numérique est souvent réduite à une question de pauvreté. Si les familles démunies sont effectivement les premières victimes, cette simplification marginalise d’autres groupes tout aussi affectés. Les seniors, qui représentent une part importante des tuteurs légaux à Bruxelles, peinent à utiliser les outils numériques nécessaires. Une étude de Digilab en 2023 montre que 52 % des seniors bruxellois rencontrent des difficultés à effectuer des démarches administratives en ligne.
Les classes moyennes ne sont pas épargnées non plus. Beaucoup de parents travaillent de longues heures et n’ont ni le temps ni l’expertise pour gérer ces inscriptions numériques. Dans des communes comme Uccle et Saint-Gilles, où les familles jonglent entre des obligations professionnelles et des démarches scolaires, les inscriptions en ligne ajoutent un stress supplémentaire.
L’impact sur les familles et les enfants
La numérisation des inscriptions scolaires a des conséquences concrètes sur les familles bruxelloises. Les retards dans les inscriptions ou les erreurs administratives dues à une mauvaise utilisation des plateformes peuvent priver des enfants d’une place dans une école de proximité. Ces situations touchent particulièrement les communes comme Jette et Forest, où la demande scolaire dépasse déjà largement l’offre.
De plus, l’absence de soutien adéquat pour les démarches en ligne peut creuser des inégalités entre les enfants. Les familles qui maîtrisent les outils numériques peuvent inscrire leurs enfants plus rapidement et dans des écoles mieux cotées, laissant les autres dans une position désavantageuse.
Quelles solutions pour Bruxelles ?
Pour répondre à cette problématique grandissante, plusieurs pistes doivent être explorées :
- Simplification des plateformes : Les interfaces des plateformes d’inscription doivent être repensées pour être accessibles et multilingues. Des tutoriels vidéo et des guides interactifs pourraient grandement faciliter leur utilisation.
- Accompagnement humain : Des points d’assistance physique dans chaque commune concernée, comme des guichets ouverts aux parents, pourraient apporter une aide immédiate et concrète.
- Formation numérique : Organiser des ateliers gratuits pour les familles dans les maisons de quartier et les écoles permettrait de renforcer leurs compétences numériques.
- Investissements dans l’infrastructure : Garantir un accès Internet de qualité dans toutes les communes bruxelloises, en particulier dans les quartiers les plus défavorisés, est une nécessité.
- Mesures transitoires : Maintenir des options d’inscription papier ou via un guichet pour les familles en difficulté permettrait d’éviter que certains enfants ne soient laissés de côté.
Conclusion
La numérisation des inscriptions scolaires à Bruxelles, bien qu’annoncée comme une avancée moderne, met en lumière une fracture numérique profonde et multiforme. Si rien n’est fait, cette problématique continuera de s’étendre à d’autres communes, creusant davantage les inégalités sociales et éducatives. Il est impératif que les autorités bruxelloises agissent rapidement pour garantir une inclusion numérique réelle et offrir à chaque enfant les mêmes chances d’accéder à une éducation de qualité.
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