Charte des Acteurs Bruxellois d’Inclusion Numérique

La Charte est le socle des valeurs partagées par les membres du réseau et sert de base aux actions et revendications de CABAN

Liste des signataires et sympathisants

CHARTE DES ACTEURS BRUXELLOIS D’INCLUSION NUMERIQUE

Par la présente, nous, acteurs bruxellois de l’inclusion numérique, nous référant à la volonté politique de faire de Bruxelles, de la Belgique et de l’Europe une société hautement numérique (concrétisée par des plans tels que Stratégies Europe 2020, Digital Belgium, Digital.Brussels), constatant par ailleurs la persistance et la mutation continuelle de la fracture numérique, demandons la mise en œuvre, en Région bruxelloise, d’une politique d’inclusion numérique structurelle, articulée, concertée avec les acteurs socio-éducatifs.

L’inclusion numérique étant un enjeu majeur, elle devrait constituer un axe à part entière de la stratégie Digital.Brussels avec pour objectif l’acquisition des compétences numériques de base par tous les citoyens.

La question ayant une dimension transversale et concernant diverses compétences, nous souhaitons une articulation entre tous les ministres et administrations concernés et une clarification des rôles et moyens de chacun.

Parce que les besoins auxquels cette politique répondra ne vont pas disparaître, elle doit s’inscrire dans une perspective durable, structurelle et non de transition. En effet, les technologies numériques ne cesseront pas d’évoluer, et de nouvelles pratiques et outils d’émerger ; dès lors une part significative de nos concitoyens éprouveront toujours davantage de difficultés à s’y adapter et auront besoin d’un soutien pour ce faire. Chacun de nous pourrait être confronté un jour à de telles difficultés.

Dans une société hautement numérique, les autorités publiques ont le devoir de garantir à tous un service permanent d’accès aux outils informatiques les plus courants (et à une connexion), et un accompagnement dans leur usage. Ce service doit être ouvert à tous les citoyens, dans un lieu proche de leur lieu de vie, de façon gratuite ou quasi gratuite. Cette mission devrait être déléguée en priorité aux Espaces Publics numériques (EPN), qui la remplissent déjà de facto, avec des moyens actuellement très réduits, dans divers quartiers de la région de Bruxelles capitale. Elle pourra être appuyée par les acteurs socio-éducatifs locaux et articulée avec l’administration publique.

Au-delà de cet objectif élémentaire, cette politique visera à s’assurer que tout citoyen devienne un acteur à part entière de la société numérique, responsable, informé, lucide et potentiellement créatif, et pas seulement réduit à sa dimension d’acteur économique. Elle accordera une attention particulière aux citoyens les plus fragiles et les plus éloignés des TIC, afin que le numérique ne devienne (ou ne reste) pas, pour eux, un facteur d’aggravation de l’exclusion sociale préexistante.

Nous demandons :

 1 Qu’un mandat clair soit donné aux EPN par la Région de Bruxelles capitale, et qu’un label soit décerné aux organismes qui remplissent les conditions pour exercer ce mandat, afin de les faire mieux connaitre aux yeux du public, des administrations et des acteurs locaux.

 2 Que des subsides régionaux structurels prennent en charge les frais de fonctionnement des EPN, tout particulièrement le salaire des professionnels de l’inclusion numérique (à commencer par les animateurs d’EPN). En effet, une médiation humaine est essentielle pour amener les citoyens, en particulier les plus fragilisés, à aborder et maitriser les TIC. À terme, disposer d’un animateur professionnel pour 10.000 habitants, à l’image de ce qui se fait en Wallonie, nous parait un objectif raisonnable.

 3 Que la Région bruxelloise soutienne financièrement l’organisation, par les EPN et d’autres acteurs de terrain, de formations, de coachings et d’actions de sensibilisation aux outils et compétences numériques, visant au développement professionnel et personnel des individus. Ces formations ne doivent pas se limiter aux compétences des métiers du digital, les compétences numériques fondamentales doivent également être élevées au rang de priorités.

 4 Que des fonds publics soient affectés à la coordination des EPN et des autres acteurs de l’inclusion numérique, à leur promotion commune, aux échanges de bonnes pratiques entre eux, ainsi qu’à la formation continuée des animateurs.

 5 Qu’une attention soit apportée à la promotion des logiciels libres, plus transparents et accessibles financièrement aux populations défavorisées.

 6 Enfin, nous demandons que les acteurs de terrain qui œuvrent déjà à l’inclusion numérique au quotidien soient associés à l’élaboration de cette politique et à son évaluation.

Signataires :

  • Aibrux - Atelier Informatique Bruxellois
  • ARC Bruxelles
  • Administration communale de Watermael-Boitsfort :
    • EPN du Réseau des bibliothèques et ludothèques
    • EPN communal
    • EPN de la maison de Quartier du Dries
    • Centre de réinsertion socioprofessionnelle
  • Atelier du Web - EPN Saint-Gilles
  • Banlieues asbl
  • Bibliothèque de Jette
  • Bruxelles Formation
  • CF2D
  • CF2M
  • Espace Cultures Et Développement
  • Fédération des Services Sociaux
  • Fobagra
  • FOREST 2.0
  • Forest Quartiers Santé
  • Formation Insertion Jeunes - FIJ
  • Interface3
  • La cité des écrits asbl
  • Le Cairn asbl
  • L’entrela’, centre culturel d’Evere
  • Maks vzw
  • Mission Locale de Schaerbeek
  • Mission Locale de St-Gilles
  • Service Emploi De Koekelberg - Espace Public Numérique De Koekelberg
  • Solidarité Savoir asbl
  • Solival asbl
  • Ville de Bruxelles
    • Centre informatique Brusurf
    • EPN de la bibliothèque de Laeken
    • EPN de la bibliothèque des Riches-Claires
  • Wijkpartenariaat-De Schakel
  • Commune d’Ixelles
    • EPN Re-sources
    • EPN de la BiblioXL - Bibliothèque Communale Francophone d’Ixelles
  • Commune d’Uccle
    • EPN d’Uccle
  • ULAC asbl pour l’EPN des Goujons

Soutiennent également la démarche :

  • CEFAID
  • Cobeff asbl
  • Collectif alpha
  • FeBISP ASBL
  • La Concertation Asbl - Action Culturelle Bruxelloise
  • Lire et Ecrire
  • Oxfam-Solidariteit - Oxfam-Solidarité

L’INCLUSION NUMERIQUE A BRUXELLES : CONSTATS SUR LE TERRAIN

1. Le fossé numérique, un défi permanent

Aujourd’hui, l’utilisation des TIC fait partie intégrante de notre quotidien.
Diverses initiatives, régionales ou nationales, visent à renforcer le développement du numérique et positionner la Belgique et ses entités comme référence en la matière : citons par exemple la Stratégie Digital Belgium ou encore Digital.Brussels.

D’un point de vue économique, les opportunités à venir ne pourront être saisies que moyennant des investissements pour soutenir l’innovation. Il en va de même pour les citoyens, qui doivent se voir garantir un accès aux outils numériques, mais aussi un accompagnement dans leur utilisation, sous peine de renforcer la fracture numérique de manière irrémédiable.

En effet, si la part des ménages belges équipés d’une connexion internet est en augmentation constante - elle s’élève, selon le baromètre 2017 du SPF économie, à 85% en 2016 alors qu’elle n’était qu’à 60% en 2008 - la maitrise de l’outil informatique reste problématique pour toute une partie de la population, y compris à un niveau élémentaire. Posséder un ordinateur et un accès à Internet n’est pas une garantie d’exploiter ces ressources.

Toujours d’après le même baromètre :

  • 61 % des Belges possèdent des compétences numériques générales de base ou avancées,
  • 25 % ont des faibles compétences,
  • 14 % n’en n’ont aucune (ils n’ont jamais utilisé un ordinateur. On parle alors d’illectronisme)

Selon ces chiffres, 39% de la population présente donc, à des degrés divers, des lacunes dans sa maitrise des usages numériques courants. Ce qu’illustre à merveille une étude réalisée, toujours en 2016, par le Gezinsbond, l’équivalent flamand de la Ligue des Familles, qui révèle que :

  • si 86 % des belges ont accès à un ordinateur et Internet, 40 % d’entre eux sont incapables d’utiliser Tax-on-web et 50 % ne parviennent pas à remplir un formulaire,
  • 1 belge sur 5 est incapable d’envoyer ou de recevoir des e-mails,
  • 1 belge sur 7 est incapable de surfer sur Internet,
  • 1 belge sur 4 est incapable de consulter les sites d’actualités,
  • 1 belge sur 3 ne parvient pas à consulter les horaires des transports publics.

La fracture numérique dite « du premier degré » concerne la dimension matérielle de celle-ci. On parle ici de déficits en termes de moyens, d’équipements et d’accès. Dans ce cas, la distinction est claire entre deux groupes : ceux qui ont accès aux TIC et ceux qui en sont dépourvus. Cependant, disposer d’un accès à Internet par exemple, n’en garantit pas une pratique pleine et entière, c’est-à-dire, autonome et efficace, pouvant ainsi déboucher sur des bénéfices pour son utilisateur. C’est cette dimension intellectuelle et sociale qui correspond à la fracture numérique du second degré.

Par ailleurs, cette fracture n’est pas figée. Tout comme les technologies elles-mêmes, elle évolue et fait naître de nouveaux usages, qui sont autant de défis difficiles à relever pour les populations fragilisées. Aujourd’hui, une éducation citoyenne doit donc être mise en place pour promouvoir :

  • La pratique de l’e-administration et de l’e-commerce pour tous les citoyens,
  • L’éducation aux médias en vue de développer l’esprit critique et lutter contre des phénomènes de radicalisation,
  • La prévention et les réactions pour faire face au cyber-harcèlement,
  • Le droit à la vie privée, la confidentialité des données face aux Gafa,
  • La lutte contre le phishing et les arnaques sur le web,
  • L’accès de tous à la fabrication numérique,
  • La sensibilisation aux métiers émergeants du digital

2. Le cadre politique : objectifs politiques, recommandations

À tous les niveaux de pouvoir, le monde politique formule des objectifs pour relever les nombreux défis de la société numérique.

La stratégie européenne 2020 [1] vise notamment à garantir un environnement numérique équitable, ouvert et sûr, et souhaite pour cela, améliorer l’accès aux biens et services numériques dans toute l’Europe.

Digital Belgium [2] vise à améliorer la position de la Belgique dans le domaine du numérique, et souhaite notamment pour cela que :

  • un maximum de citoyens, quel que soit leur âge et leur parcours, puissent acquérir des compétences numériques et saisir les opportunités dans ce domaine
  • les citoyens soient en mesure d’ici 2020 de mener tout contact avec l’administration par la voie électronique

Digital.Brussels a pour but de positionner le secteur numérique bruxellois sur la carte mondiale et de faire de Digital.Brussels un synonyme de qualité et d’innovation. Une série d’objectifs ont été identifiés, dont l’inclusion numérique, qui doit passer par le soutien des EPN et l’évolution vers des EPN 2.0, de nouveaux types de formations au sein des EPN et une mise en lien des EPN avec la politique régionale en matière de fablab.

Parallèlement, dans son plan 2015-2020, l’Agence Easybrussels s’engage à prendre en considération la problématique de la fracture numérique et de l’illettrisme numérique, en vue d’incorporer cette problématique dans son suivi de la simplification administrative et du guichet virtuel. Dans cette optique, à l’issue du colloque "Le citoyen bruxellois numérique" que l’agence a organisé en novembre 2016, le centre d’étude Idealic [3] lui a remis 12 recommandations pour une politique d’inclusion durable. Plusieurs de ces recommandations concernent la nécessité de s’appuyer sur les EPN pour assurer l’e-inclusion des citoyens Bruxellois.

Du côté de la Wallonie, le plan Digital wallonia va dans le même sens. À côté de l’investissement dans le numérique, une action spécifique est consacrée aux EPN. Celle-ci se décline sous la forme d’un comité de coordination chargé de l’accompagnement des EPN et de la délivrance d’un label. Cette coordination opérée par le centre de Compétences TechnofuturTIC et soutenue par la Région wallonne a ainsi permis qu’en 2016, l’activité des EPN représente :

  • 152 espaces ouverts au public et répartis sur 113 communes
  • Une ouverture moyenne hebdomadaire de 25 heures
  • 201.000 accès individuels
  • Un soutien moyen des communes de 66%
  • 275 animateurs et porteurs de projets au service des usagers
  • 1.600 ordinateurs et 40 tablettes

Enfin, à Bruxelles, le CIRB assure le développement de nombreux hotspots WIFI, permettant aux citoyens de se connecter gratuitement à Internet dans les lieux publics, et soutient le développement des EPN sur le plan de l’équipement.
A la lecture de ces initiatives, il apparaît clairement que l’investissement dans le numérique est vu comme stratégique et que des actions concrètes en découlent. L’agenda politique et la communication afférente sont clairs et ambitieux en ce qui concerne le soutien au déploiement des nouvelles technologies sous des formes multiples.

En région Wallonne, les EPN constituent un élément essentiel de cette stratégie numérique. A Bruxelles, leur développement fait l’objet de plusieurs recommandations, mais pour l’instant, cela ne s’est traduit, dans les faits, que par un soutien sous forme de matériel informatique (fourni par le CIRB à certains EPN seulement). C’est insuffisant pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle d’accompagnement des publics fragilisés.
En région Bruxelloise, le mandat et la fonction des EPN demeurent relativement peu définis.

Pour le CIRB, « L’Espace Public Numérique (EPN) est un lieu public à vocation non lucrative qui propose un programme public d’accès, d’initiation et d’accompagnement aux technologies de l’information et de la communication. »
Cette définition a le mérite de mentionner les missions fondamentales des EPN, reconnues dans diverses régions d’Europe, qui sont d’offrir à tous les citoyens :

  • L’accès à des ressources informatiques : PC ou tablettes, mais aussi logiciels élémentaires tels que traitement de texte et tableur, connexion Internet, utilitaires divers, logiciels et matériel multimédia, ou encore imprimante 3D. L’EPN constitue ainsi un outil partagé, collectif ; cet outil a l’avantage d’être entretenu et géré par des professionnels.
  • Une initiation et un accompagnement dans l’usage de ces outils et ressources. Cette aide doit, au minimum, prendre la forme d’un médiateur humain disponible en contact direct, au quotidien. Le facteur humain est essentiel pour amener les personnes fragilisées (et les autres) à aborder sereinement les outils et pratiques numériques ; il ne peut être remplacé pleinement par une assistance automatisée (tels que didacticiels, e-learning ou FAQ), ni par un call center téléphonique.

L’accompagnement en EPN peut être directement opérationnel (aider la personne à résoudre un problème immédiat ou accomplir une démarche donnée, par exemple remplir un formulaire), ou prendre la forme d’un coaching individuel (pour s’autonomiser dans une tâche ou s’initier rapidement à un outil). Il peut aussi encore s’incarner dans une formation en bonne et due forme, pour permettre au citoyen d’assimiler clairement les bases informatiques, et pour développer ses compétences au-delà de ces bases, à des fins personnelles ou professionnelles.
En pratique, les EPN sont le plus souvent d’initiative communale, para-communale ou associative. Ils sont notamment initiés :

  • Par des bibliothèques
  • Par des CPAS, des Missions locales, des Maisons de l’emploi
  • Comme un service à part entière, directement sous la tutelle du bourgmestre ou des échevins concernés (ex : échevinat de l’emploi, échevinat de la famille)
  • Par des asbl appartenant à divers secteurs (ISP [4], éducation permanente, alphabétisation, CASG [5], promotion de la santé…)

Dans les faits, les demandeurs d’emploi constituent une part importante du public des EPN. Cependant, on y retrouve également une proportion (variable selon les lieux) de seniors, de jeunes, d’artistes souhaitant se former aux outils numériques, des femmes au foyer, de personnes indépendantes en recherche d’un cadre de travail, ou encore d’étudiants.
Les EPN contribuent à l’insertion socio-professionnelle des bruxellois :

  • Les tables emploi des Missions locales ou des antennes d’Actiris ne peuvent assurer la formation informatique de leurs utilisateurs, et préfèrent les renvoyer pour ce faire vers l’EPN le plus proche.
  • Les EPN tendent à « capter » des publics qui échappent aux dispositifs d’insertion en place (par exemple, des NEET [6], des personnes analphabètes ou des femmes au foyer ne maîtrisant aucune de nos langues nationales). Moyennant soutien, ils peuvent donc jouer un rôle de porte d’entrée vers un parcours d’insertion.
  • Les EPN peuvent souvent détecter des difficultés sous-jacentes qui freinent la maitrise de l’informatique (ex : lacunes en alphabétisation ou en FLE), et peuvent alors réorienter les personnes concernées vers des acteurs pertinents.

Par ailleurs, plus grande est la densité de population, plus la formule des EPN est pertinente. C’est encore plus vrai dans les quartiers qui possèdent une forte proportion de population vulnérable à la fracture numérique : personnes peu qualifiées, seniors, allocataires sociaux…

Enfin, les EPN s’efforcent, dans la mesure de leurs moyens, d’intégrer de nouveaux outils hardware et software (tablettes, imprimantes 3D…) et de répondre à des enjeux de société liés à l’usage des TIC (éduquer à la critique de l’information sur Internet, enseigner des réflexes de sécurité en ligne, éduquer au respect de l’autre sur Internet et à la netiquette…)

À l’heure où les TIC deviennent incontournables dans la plupart des démarches privées et professionnelles, y compris dans les rapports avec les administrations ou avec les employeurs, les EPN permettent aux pouvoirs publics de s’assurer que tous les citoyens disposent, dans leur commune ou leur quartier, d’un minimum de connexion et d’outillage informatique garantis, ainsi que d’une aide et médiation de première ligne pour les mettre en œuvre.

3. Les EPN à Bruxelles

A la différence du modèle wallon, les EPN bruxellois ne bénéficient pas actuellement de soutien structurel pour assurer leur fonctionnement. Seul un soutien en matériel est offert (mais à certains d’entre eux seulement) par le CIRB.
Leur animation repose donc tantôt sur de petits appels à projets ponctuels, des budgets marginaux ou des subsides limités dans le temps (ex : contrat de quartier), tantôt sur la sous-traitance à l’économie sociale d’insertion (qui assure des tâches d’animation via des emplois de transition en ILDE [7]). Le plus souvent, ces solutions ne permettent pas de stabiliser les postes des animateurs, qui ne peuvent donc s’investir durablement dans leur fonction, ni développer toute la palette de compétences nécessaires pour répondre aux nouveaux défis de société posés par les usages numériques.

Cette situation rend difficile, voire hypothétique, la transition vers des EPN 2.0. Elle nuit également à la visibilité des EPN auprès du grand public, restreint leur amplitude d’ouverture et la portée de leurs actions, freine la mise en place de partenariat avec d’autres acteurs locaux, rend caduque tout processus de formation des animateurs.

Malgré ces difficultés, les EPN bruxellois fournissent un travail fondamental sur le terrain. Au cours de l’année 2016 et selon les chiffres recueillis auprès de 14 d’entre eux [8] :

  • Les 14 EPN répondants ont organisé 6957 heures de formation au bénéfice de 3289 usagers
  • En moyenne, chacun d’eux met à disposition du public :
    • 19,4 ordinateurs
    • 1,7 animateur présent (dont une part importante de travailleurs en insertion venus de l’économie sociale)
    • 25,8 heures d’ouverture hebdomadaire dont 23,8 avec un animateur présent
  • Le public se rend dans ces EPN pour :
    • L’apprentissage des TIC (40%)
    • La recherche d’emploi (35%)
    • Le loisir, la culture et accès à l’information (10%)
    • De la recherche de logement, de l’e-learning… (10%)
    • Des démarches administratives et citoyennes (5%)

Il s’agit là seulement d’un bilan partiel, qui donne une idée des réalisations effectuées par les EPN bruxellois « avec les moyens du bord ». Il laisse présager de ce qu’ils pourraient accomplir s’ils disposaient de moyens à la hauteur des défis qu’ils doivent relever.

Malheureusement, faute de financement, divers EPN lancés en Région bruxelloise ont dû cesser leurs activités, alors qu’ils rencontraient pourtant largement leur public (par exemple, plusieurs EPN importants ont fermé au terme du contrat de quartier qui les finançait). D’autres ne proposent qu’une accessibilité à temps réduit, ou bien répercutent leurs coûts de personnel sur les utilisateurs, excluant de fait les personnes moins aisées.

Pour tenter malgré tout de structurer leur secteur, les EPN s’organisent sous la forme d’un réseau : le Collectif des Acteurs Bruxellois de l’Accessibilité Numérique (CABAN [9]). Ce groupement vise à promouvoir une meilleure visibilité des EPN et initiatives assimilées auprès du grand public, à défendre une meilleure reconnaissance et un meilleur soutien des pouvoirs publics aux EPN, à stimuler les échanges de savoir-faire et d’expériences entre les acteurs de terrain, à développer des projets collectifs.

L’objectif de faire de Bruxelles une Smart City exemplaire et un pôle d’excellence de l’économie numérique est louable. Mais, dans un cadre où 15% de la population souffre toujours d’illectronisme complet, où la maîtrise de compétences numériques fondamentales (telles que remplir un formulaire) reste un défi pour une part importante de nos concitoyens, on ne peut que constater l’insuffisance des moyens consacrés à l’inclusion numérique. Il manque un étage essentiel à la fusée, au risque de laisser à quai une part importante des bruxellois. Plus exactement, cet étage existe, mais il est trop peu soutenu et développé, malgré l’expression de plus en plus fréquente d’une volonté politique en ce sens.

Document(s)


[3Projet fédéral de recherche dans le domaine de l’inclusion digitale (https://www.idealic.be/).

[4Insertion socioprofessionnelle

[5Centres d’Action Sociale Globale

[6NEET, qui signifie Not in Education, Employment or Training (ni étudiant, ni employé, ni stagiaire), est une classification sociale d’une certaine catégorie de personnes inactives qui comprend les personnes âgées entre 15 et 29 ans et qui sont sorties du système scolaire.

[7Initiative locale pour le développement de l’emploi

[8Au dernier "recensement" de Caban (2015), 23 structures classiques et 8 installées dans des bibliothèques communales se revendiquaient comme des EPN. A ce nombre s’ajoute l’EPN de Bruxelles Formation pour atteindre un total de 32. Toutefois, les demandes de volume auprès des différents EPN membres de Caban se sont limitées à des contacts auprès de 14 EPN seulement (dont l’EPN Formation de Bruxelles Formation).

[9Il s’agit d’un réseau composé des différentes associations ou structures (notamment l’asbl Banlieues, l’EPN « Les ateliers du Web », le centre de formation Interface 3, l’asbl Fobagra, …). Parmi les premiers projets mis en place par le collectif, notons l’organisation de rencontres et débats dans le cadre de la Semaine numérique 2010, et la création d’un site web vitrine pour les EPN Bruxellois.